Woodstower : rencontre avec Maxime Noly
En 2024, vous célébrez la 25ᵉ édition de Woodstower. Ce festival défend des valeurs depuis le début, comment arrivez-vous à les développer au fil des éditions ?
C'est du travail chaque année pour garder ce qui fait les fondamentaux et l'ADN du festival, que ce soit évidemment sur le côté développement durable avec tous les engagements qu'on a, ou concernant la programmation qui doit parler à la jeunesse. À Woodstower, 80 % du public a entre 15 et 35 ans.
Ensuite, il s’agit de proposer une expérience globale qui dépasse le simple cadre de la musique avec plein d'autres temps forts. L’objectif, chaque année, est de questionner ces aspects-là, de voir comment les faire progresser. Il faut bien sûr s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, et questionner comment, collectivement, on construit tout ça. Woodstower est une aventure collective, et cela se joue avec nos bénévoles, notre conseil d'administration et avec tous nos partenaires. Avec les difficultés que nous avons connues l’année dernière, 2024 est forcément une année où on se remet beaucoup plus en question. Il ne faut tout de même pas balancer à la poubelle ce qui fait les fondamentaux et l'intérêt du projet.
Woodstower 2022 : ©️ Brice Robert
Avec une édition 2023 difficile avec une météo capricieuse, comment avez-vous pu rebondir pour proposer cette année une programmation et une édition conséquentes ?
On a pris le temps de se poser les bonnes questions. Forcément, nous sommes allés voir nos partenaires et avons eu des discussions avec notre assurance, ce qui est inévitable. Nous essayons de trouver des solutions financières à court terme car il y a évidemment des questions de trésorerie à très court terme qui se posent.
Nous avons rapidement travaillé sur 2024 car nous ne pouvions prendre du retard. Si on se dit que l’on n’avance pas tant que l’on a pas telle ou telle recette, on prend du retard et prenons le risque de nous retrouver coincés. Le jeu a été de trouver des solutions tout en construisant la suite. Nous avons également développé notre activité, car les métiers autour d’un simple festival sont très risqués, la réussite d'une année n'est pas forcément celle de l'année d'après. Il faut savoir aussi diversifier ses sources d'activité et de revenus. Cette année, nous avons aussi travaillé là dessus pour faire des productions en dehors du festival et de renforcer ces aspects là.
C'est une activité que vous aviez déjà essayé avec Wintower, mais que vous développez encore plus. Vous allez produire un concert de The Blaze, vous organisez également des dates au Sucre, à Lyon. Ces événements permettent la pérennité de Woodstower ?
L’objectif, c'est d'avoir un équilibre dans l'année à travers les différentes activités que l’on fait. Et pour ça, il faut sortir du simple objet festival et s’essayer à d’autres types de productions moins risquées. D'une part, souvent, c'est des productions qui se font dans des lieux où l'exposition aux risques météo est moindre. D'autre part, on joue sur un artiste, donc en terme de communication, d'exposition, c'est un peu différent.
Nous avons également d’autres types d’activités en dehors des productions de ce type. On fait de la prestation de service pour d'autres acteurs privés ou publics, où l’on organise des événements sans que notre nom ne soit forcément visible. Cela nous permet de garantir certaines sources de revenus et d'avoir un volume d'activité. On a beaucoup d'actions de médiation qui ne sont pas extrêmement rémunératrices mais qui permettent malgré tout de financer des postes et du fonctionnement. Tous ces aspects sont nécessaires pour qu’à la fin de l'année, le festival pèse moins lourd dans le bilan de l'association.
Woodstower 2022 : ©️ Brice Robert
Quelles sont les grosses difficultés à anticiper que peut rencontrer un festival ?
Forcément, la météo est un gros facteur imprévisible pour les festivals de plein air, c’est un sujet épineux. On l'a vu il y a quelques jours avec le festival Papillons de Nuit, malheureusement. Également, on voit un mouvement sur des équilibres financiers de plus en plus intenables. Trois semaines avant leur édition qui devait se tenir en juin, les Paradis Artificiels ont annulé car ils n’y arrivaient pas en billetterie. Certains festivals ont un break even à 100, voire à 130 % de remplissage, ce qui est complètement lunaire. On est exposés à des risques liés à l'inflation et à l’explosion des coûts.
Aujourd’hui, équilibrer financièrement son festival revient à devoir faire complet sur la billetterie. Je trouve que c’est interrogeant sur le monde des festivals aujourd'hui. De leur côté, nos partenaires subissent également l’inflation et leurs propres difficultés. On a certains partenaires dans le milieu de l'immobilier, du bâtiment qui connaissent également des périodes compliquées. C'est un écosystème qui se fragilise de plus en plus, alors qu’il n'y a jamais eu autant d'événements, de grands festivals et d’autres formats comme les concerts en stades de grande jauge qui se développent à fond. Les risques se multiplient et la concurrence est de plus en plus nombreuse. Forcément, les marges de gains ou même d'équilibre pour les acteurs, notamment indépendants comme nous, sont de plus en plus rares et difficiles à trouver.
Vous êtes justement un festival indépendant. Comment continuer à l’être dans un écosystème compliqué comme c’est le cas aujourd’hui ?
C'est difficile, effectivement. Ça fait 25 ans que le festival existe, on a une identité sur le territoire, on est un événement particulier. Même si on est indépendant, il y a quand même des partenaires qui sont associés, notamment le lieu qui nous accueille, le grand parc de Miribel-Jonage, qui est un lieu incroyable. Pour moi, ça fait partie des fondations sur lesquelles il faut s'appuyer en étant indépendant parce que ça reste indépendant. En clair, dans notre conseil d'administration, il n'y a pas d'entités extérieures qui siègent, on prend toutes nos décisions. Pour autant, les partenaires de ce type là et les partenaires publics aident à ce que les événements puissent garder leur indépendance et assurer leur valeur.
Nous avons aussi toujours des partenaires privés et des prestataires qui nous accompagnent, même si aujourd'hui, la ressource se fait de plus en plus rare. Que ça soit dans le son, la scène, la billetterie, le merchandising, ce sont plus que des prestataires, ils sont vraiment dans une dynamique de partenariat. Et ça, ça fait aussi la différence parce qu'on est un projet indépendant, parce qu'on porte des valeurs. Je pense qu'ils le feraient pas si nous n’étions pas dans ce cas là. C'est la somme de toutes ces petites choses qu'il faut réussir à additionner.
Dans notre cas, parce qu'on est aussi un projet associatif, il y a le fait d'avoir des bénévoles qui sont toujours au rendez vous. Si nous devions nous en passer, nous devrions ajouter plusieurs centaines de milliers d’euros de masse salariale pour que l'événement puisse se tenir. Ce ne serait pas viable, ou alors à des prix complètement délirants pour le public. Pour autant, nous maintenons des prix de concerts qui restent accessibles et tant mieux pour nous, c'est notre choix et c'est un engagement. Mais ce n'est pas évident à tenir.
Woodstower 2022 : ©️ Brice Robert
Vous travaillez pour la première fois avec Billetweb. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Cette année, nous avons souhaité revoir nos prestataires pour ouvrir un champ différent de ce qu'on avait fait jusqu'à présent. Les prestataires billetterie ont beaucoup bougé ces dernières années. Il y a des acteurs qui sont partis, d'autres qui sont arrivés, d'autres qui ont fusionné. Il y a eu des mouvements comme dans d'autres secteurs.
Dans notre cas, nous avions une volonté de nous situer dans cet écosystème par rapport à nos valeurs avec un acteur du territoire, en l'occurrence Billetweb. Et ça, c'est précieux pour nous car on essaie de toujours garder cet aspect là, même si évidemment, il n'y a pas que ça qui compte : il faut quand même que techniquement, ça soit au rendez vous. Nous avons vu la progression de la solution puisque nous discutons depuis plusieurs années. Je pense qu'il y a trois ou quatre ans en arrière, c'était peut être encore un peu tôt pour les gros festivals de travailler avec une structure comme Billetweb. La progression de la solution a été faite intelligemment, petit à petit, ce qui permet aujourd'hui, sur un événement comme le nôtre, d'arriver assez sereinement avec cette solution qu'on aura aussi bien sur le cashless que sur la billetterie. Donc on va inaugurer cette collaboration cette année avec Billetweb.