Lecture de ENNYM par Jenny Bel’Air
Avec ENNYM, la scène devient le réceptacle d’une parole qui oscille entre l’incantation et la confession, entre l’aveu brut et la profération poétique. Ce n’est pas une simple lecture, mais une traversée, une mise en résonance de la poésie de Matis Leggiadro avec la voix, le souffle et la présence scénique de Jenny Bel’Air.
La singularité de ENNYM tient à cette tension entre l’écrit et l’oralité, entre la fixité du texte et la métamorphose qu’opère la voix. Jenny Bel’Air ne se contente pas de lire : elle mâche les mots, les éprouve, les distord parfois, les restitue toujours avec une précision qui en décuple la charge émotionnelle. Sa voix est matière, vibration, portée par une tessiture où se mêlent la gravité et la désinvolture, le cri et le murmure.
La poésie de Matis Leggiadro s’attache à sonder les failles de l’être et de l’existence. À travers une langue incantatoire, à la fois précise et évanescente, il traque la lente vie des corps et des âmes, la dissolution des sentiments dans l’irréversible paysage du temps. Sa poésie tente d’atteindre un absolu insaisissable, un horizon qui toujours recule à mesure qu’on s’en approche, laissant dans son sillage l’empreinte troublante de l’inaccompli.
Le duo que forment Matis Leggiadro et Jenny Bel’Air surprend. D’un côté, un jeune poète dont l’écriture, dense et éthérée, s’attache à capturer l'ineffable, à cerner les contours du vertige existentiel. De l’autre, une figure mythique de la nuit parisienne, dont la présence scénique ne cesse de réinventer les frontières du jeu avec soi et de la performance avec les autres. Loin d’être un simple exercice de style, ENNYM s’affirme comme une œuvre littéraire à part entière, où la lecture devient un acte d’incarnation totale.
C’est aussi le retour sur scène de Jenny Bel’Air, un retour marqué par une urgence : celle de dire, d’éprouver le verbe, de livrer un corps à la parole et une parole au silence. Car ENNYM ne se limite pas à ce qui est dit : il y a aussi tout ce qui affleure, tout ce qui se tait, tout ce qui se devine dans l’intervalle des mots. Une expérience où la poésie se fait chair et où le langage atteint sa plus pure intensité.