Johann Heinrich Füssli (1741-1825) fut un peintre incroyable.
Ordonné pasteur à vingt ans, il fuit sa Suisse natale après avoir dénoncé un édile corrompu, se frotte aux idées des Lumières et s'installe à Londres dans l'idée d'y être traducteur !
Pratiquant le dessin à ses heures perdues, c'est une rencontre avec le directeur de la Royal Academy, le grand peintre Joshua Reynolds, qui le pousse définitivement vers l'art.
Et le voilà parti pour huit années à Rome, en (presque) parfait autodidacte !
Là-bas, son caractère atypique fascine. En effet, cet ancien pasteur zurichois passionné par Dante, Shakespeare et Milton, n'adhère pas à l'engouement général pour l'idéal de la beauté classique (qu'il est pourtant censé étudier à Rome).
A son retour, il choisit de nouveau Londres, qui encourage ses excentricités. Pour preuve : il expose d'emblée une œuvre effrayante intitulée "Le Cauchemar", et ça plaît ! Puis, afin d'être admis à la prestigieuse Royal Academy, il présente un sujet inspiré non pas de la sacro-sainte antiquité classique mais... d'une épopée islandaise inconnue de tous... et ça plaît !
Jusqu'à la fin de sa vie, cet homme peignant l'angoisse, le mystère, les profondeurs de l'âme, celui dont la sensibilité préromantique a inspiré à Mary Shelley son terrible Frankenstein, croule sous les honneurs.
Il est même inhumé au sein de la cathédrale Saint-Paul de Londres, tout près de Reynolds, et rejoint plus tard par Lawrence et Turner.