Placement libre
Pourquoi un tel titre digne de ceux de François Couperin dans ses « ordres pour le clavecin » ? Pour son auteur, Ali Pinar, il y a bien évidemment le premier degré et l’envie de renverser ironiquement l’habituelle expression « fort comme un turc ». Alors pourquoi pas « comme des turques » ? D’autant plus que si Fatma Zeynep Ciddi et Ayşe Nil Ülgener sont ici pour interpréter un répertoire , c’est avant tout grâce à une troisième « femme forte » récemment disparue à laquelle ce concert veut rendre hommage : Leyla
Pınar. Par toute son action, son oeuvre dont la découverte est une heureuse surprise, elle est le symbole d’une femme qui fut pionnière, qui plus est dans un domaine aussi particulier.
Comment Ali Pinar eût-il pu venir au festival de Sarrebourg pour y présenter à la fois les activités de « Istanbul Baroque » et la dernière lauréate du concours de chant baroque qu’il préside, sans évoquer le nom
de celle à l’origine de cette aventure aussi exceptionnelle qu’inattendue
qui se poursuit toujours, nous faisant oublier que sous l’écume des jours,
les fracas des nations et des frontières, des cultures, des patrimoines, des
utopies se partagent au delà des clichés.
C’est toute l’histoire de sa mère, Leyla Pinar à laquelle cette rencontre veut
rendre hommage. Cette musicienne et musicologue nous touche d’ailleurs
d’autant plus que le rôle éminent qu’elle joua dans la vie culturelle de la Turquie, nous fait la rencontrer à maintes reprises dans notre univers
musical. Élève de Solange Corbin et de Nadia Boulanger, on la retrouvera
à Poitiers bénéficiant de l’enseignement d’Antoine Geoffroy-Dechaume,
puis itinérant entre Belgique pour y travailler avec Robert Kohnen, Venise
avec Kenneth Gilbert ou encore Jean-Patrice Brosse et Michel Chapuis à
Saint Bertrand de Comminges.
C’est en 1993 que Leyla, estimant révolu le temps des semailles, décide de regagner son pays natal, créant l’année suivante l’ensemble « Istanbul baroque » puis le festival de musique baroque d’Istanbul dont les productions spectaculaires (notamment dans le domaine lyrique) s’enchaîneront alors régulièrement. Très logiquement devait en découler à partir de 2016, le Concours de chant baroque d’Istanbul dont la mezzo soprano Fatma Zeynet Ciddi vient de remporter le premier prix de sa 5ème édition.