Nous le savons : les frontières géographiques qui annoncent et séparent, qui distinguent et parfois opposent les pays, sont des constructions placées sous le signe de la contingence historique, du jeu des pouvoirs politiques, de l’aléatoire des déplacements et des conflits entre ethnies, entre nations et entre communautés.
Dans la frontière géographique se mêlent donc l’arbitraire, la raison d’État et les conditions physiques d’une terre, d’une mer et d’un partage des espaces, lesquelles demeurent toujours sous le sceau du provisoire.
Des lignes sur une mappemonde, un passeport couvert de tampons, un mur, un barbelé : les expériences contemporaines de la frontière sont chargées normativement et émotionnellement, et largement déterminées par la structure de l’État-nation.
Kant distinguait deux genres de frontières : la « limite » (Grenze) qui indique qu’il y a encore quelque chose à découvrir et à connaître au-delà des « bornes » (Schränke), qui sont la marque de l’extrémité jusqu’à laquelle on peut aller, au-delà de laquelle on ne peut se rendre.
Quoi qu’il en soit, la frontière délimite. Elle sépare et unit. Elle constitue une séparation entre un dehors et un dedans, entre un avant et un après, entre un ici et un là-bas, entre le même et l’autre.
Et dans le même temps, elle rend le même inséparable de l’autre, modifiant ainsi notre statut au monde selon que l’on soit d’ici ou d’ailleurs : immigré, clandestin, réfugié ou simple étranger.
Mais les frontières ont aussi une réalité sociologique et philosophique plus diverse, et peut-être plus pérenne et plus riche que la seule frontière géopolitique, nationale ou physique.
Elles nous renvoient à la réalité de rapports de force qui façonnent, par leur arbitraire, les destins individuels et collectifs et sont un défi lancés à nos théories de liberté, d’égalité ou de justice, la transformant, d’un point de vue sociologique et philosophique, en un objet de plus en plus perméable et fluide.
C’est cet entrelacs d’interrogations qu’il nous apparaît intéressant de questionner, justifiant selon nous que l’on en explore les innombrables complexités, avec hauteur et discernement, en retrait des agitations qui, parfois, empoisonnent le débat public.
Pour sa sixième édition du Forum Latitude, la librairie 47°Nord et l’association LatitudeS tenteront, une fois encore, de vous offrir un espace de discussion et de partage permettant de faire l'état des lieux de cette problématique.
Ce Forum, qui se tiendra les 22, 23 et 24 novembre à Motoco, a pour ambition de réunir les acteurs et actrices de la vie intellectuelle et culturelle impliqués par les questions qui le composeront. La pluralité des opinions doit permettre de confronter les points de vue dans une démarche bienveillante et constructive, avec pour objectif d'ouvrir des pistes de réflexion et dresser un panorama non exhaustif - car tant d'autres sujets pourraient être abordés - des espoirs d'un monde meilleur comme des craintes d'un avenir en décomposition.
Au final, ce sont une vingtaine de conférences et tables-rondes qui se tiendront sur trois jours avec une quarantaine d'intervenants, des philosophes, sociologues, écrivains, historiens, scientifiques, artistes, responsables politiques, journalistes ou militants associatifs.
Nous pouvons compter sur le précieux soutien de nos partenaires, que nous remercions ici chaleureusement : Motoco, la Ville de Mulhouse, la Maison Hôtel - Mulhouse Centre, le Service Universitaire d'Action Culturelle (SUAC) de l'Université de Haute Alsace, Tandem, le Domaine Gueth, et l'association AMAC.