L’hivernage prend fin.

Barbara décolle de JFK, laissant Ellis Island derrière elle. Dans ses poches et les bagages qu’il a fallu piétiner pour tout faire rentrer, des carnets raturés, des croquis sur le vif. Mais surtout, des chansons. Manhattan disparait, donnant l’étrange sensation de quitter à la fois un décor de film, désespérément cliché, et une vie bien réelle passée entre Bed Stuy et la 65th Street, le parvis du Metropolitan Opera et les couloirs bruyants du LaGuardia High School. Dans les oreilles, Mazzy Star, Cat Power, Dylan aussi. La gorge se serre sur « The Times They Are A-Changin »

Une demi-douzaine de fuseaux horaires plus loin, Dimitri peine à émerger. Des tournées passées, il ne reste que quelques affiches placardées sous les ponts, disputant au vent et à la pluie leur inutilité. Des sensations, des bruits, qui semblent s’effacer, jour après jour. Mais dans les cartons, il n’y a pas que de vieilles nostalgies rock : quelques morceaux bruissent. « Old chap ! On s’en tient au plan ! » lui rabâche Oliv. Tenir encore quelques jours, quelques semaines. Garder le cap.

Attendre la rencontre.

Quant à Gabriel et David, ils profitent de ce qu’il reste de bohème à Paris. Un « recording studio » à Belleville où s’entassent une vieille basse soviétique, des amplis aussi vintages qu’insolites, une Ludwig usée et des fonds de Duvel tièdes. Aux murs, des 33 tours de T-Rex et de Massive Attack ; quatre cymbales pendues comme autant de disques d’ors qu’ils n’iront jamais récupérer, trop occupés à finaliser les derniers enregistrements, sous l’œil autoritaire d’un Franck Zappa postérisé. Comme Léon, une seule plante verte.

Le reste est accessoire.

Ne leur demandez pas comment mais Barbara, Gabriel, Dimitri et David se sont rencontrés.

Avalés les milliers de miles qui séparaient les solitudes. Ce n’est plus un déconfinement, c’est une démolition méthodique des murs de leurs chambres. Les « bedroom songs » passent de main en main, on griffonne, on dessine et on chante, reprenant là où l’autre s’est arrêté, s’enregistrant à tour de rôle.

Les chansons s’accumulent, empruntant au folk des pionniers chaleur et immédiateté, au rock, la rugosité des guitares et des lignes de basse cinglantes, à la modernité électro, un minimalisme assumé et un goût du hors-piste.

Il suffisait d’attendre la rencontre.

Barbara Forstner (Lead vocal, acoustic guitar) Gabriel Peyrieux-Wallis (Lead vocal, bass, guitar) Dimitri Walas (Guitar) David Bouhanna (Drums)