Toute l’école de vienne en concert à BG
Trois hommes qui semblent bien éloignés par le tempérament, l’histoire et la musique et qui pourtant forment au sens le plus strict du terme le véritable clacissisme musical. Quand nous parlons de musique classique pour désigner génériquement la musique « ancienne », nous commettons un abus de langage car la véritable musique classique se fonde et tourne autour de trois monstres sacrés piliers de « l’école de Vienne » que sont Haydn, le maître, Mozart le génie et Beethoven le génial. Ils se présentent dans ce concert sous trois formes musicales qu’ils vont bousculer, mais dont ils sont pourtant les représentants inversés. Beethoven, maître de symphonie est à l’ouverture opératique. Mozart le concertant est à la symphonie et Haydn le symphoniste de l’opéra est au concerto.
Mozart, de la 40èmeau Requiem, il n’y a qu’un drame
C’est sans doute la symphonie la plus connue de Mozart. Cette notoriété n’est pas sans perturber l’appréhension de l’œuvre par le public souvent enthousiaste à l’idée d’entendre Mozart et plongé dans une joie a priori dès ces premières mesures si célèbres dont la charge émotive est pourtant aux antipodes de la gaité. Nous sommes en sol mineur, une tonalité qui prendra de plus en plus la couleur du malaise et du drame et particulièrement chez Mozart. Elle est la relative (c’est-à-dire le miroir d’une certaine façon) de Si bémol majeur, tonalité de l’espérance. Il n’y a que deux (trois si nous comptons une œuvre de jeunesse) symphonies composées en mode mineur par Mozart, toutes deux en sol. Il se trouve que des passages clefs du Requiem sont aussi en cette tonalité et notamment le Domine Jesuqui campe, sans aucune espérance, la descente aux enfers. Tel serait l’état d’esprit de Mozart lorsque peu après la mort de sa fille il compose, en quelques semaines, cette symphonie dont le second mouvement est lui en Mi bémol majeur, tonalité réservée au divin, comme une prière ou un repos espéré, malgré tout pour sa fille ?
Haydn, le concerto numéro 1 pour violoncelle, entre circonstance et charnière d’une époque
Haydn est à la fois le modèle le plus accompli et le dernier représentant d’une génération de compositeurs. Lié aux princes Esterházy qui l’employaient lui et ses musiciens, Papa Haydn, compose pour les plaisirs du prince. Symphonies, opéras, et quatuors sont fonction des occasions, du nombre des instrumentistes et de leurs possibilités. Haydn fait avec ce qu’il a, quitte à réécrire selon les opportunités. Sa musique évolue avec sa propre expérience. Ainsi, ses dernières symphonies, comme son concerto pour violoncelle N°2, bénéficient-ils des exigences développées pour l’opéra. C’est une forme plus simple qui préside à la composition du premier concerto. Haydn a peu écrit de concertos et souvent pour les musiciens qui étaient avec lui autour du prince. C’est le cas de cette pièce (redécouverte en 1961) écrite sur mesure peu après son arrivée au service du prince. Le style classique n’est pas encore formellement posé et le premier mouvement s’inscrit dans une veine baroque flamboyante qui disparaitra peu à peu de son écriture. Mais tout est là de son style, la joie, la surprise, la virtuosité et la force mélodique tissée dans l’harmonie.
Coriolan, l’héroïsme et le destin, la grande dualité de Beethoven
Le rapport de Beethoven à l’opéra est complexe. Maintes fois tenté, il ne trouva jamais l’ouvrage qui pu suffisamment l’inspirer, refusant de mettre en scène le triomphe du vice. Mais il laissa quelques superbes ouvertures, sous forme d’histoire musicale. Coriolan, général romain victorieux, mais retourné contre Rome est une de ces figures héroïques à l’époque chères au maître de Bonn. Vertueux et droit, il se présente en homme fort sous les remparts terrifiés de l’Urbs, pour demander raison de son injuste exil. Ce n’est pas de gaîté de cœur que ce grand homme assiège sa ville. La rencontre d’une double désolation imposée par ce fatum(thème de la Vème) laisse une impression obscure, endeuillée, triste, posée par Beethoven en do mineur, jusqu’à l’arrivée de la mère et de la sœur du héro venues, le prier en Mi bémol majeur (tonalité du divin) de renoncer à prendre la cité qui n’est pas encore la puissante Rome. Héro, juste, le destin le rattrape. Entre la piété filiale et le déshonneur de ne pas réclamer justice, il choisit la seule sortie héroïque donnant par son suicide la victoire à la vertu et à la grandeur d’âme, la véritable force pour Ludwig.
Cyril Brun