Selon l’OMS, la santé est un état complet de bien-être physique, mental et social. Elle ne consiste donc pas uniquement en une absence de maladie ou d’infirmité. Cette définition de la santé est globale, totale. L’on retrouve un héritage antique : la recherche de l’ataraxie (l’absence de trouble) des stoïciens ou des épicuriens qui nous conduirait au bonheur. La santé deviendrait alors la condition sine qua non pour devenir heureux. Mais si elle est un fait total de bien-être, comment intégrer dès lors la question de la souffrance dans l’expérience humaine ?
S’il existe un consensus large pour désormais penser que la douleur mérite d’être soulagée au maximum des moyens d’analgésie que nous possédons, la question de la souffrance semble plus difficile à traiter. La souffrance n’est pas la douleur, nous enseignait Ricœur. La souffrance est à la frontière entre le corps et l’âme : nexus où tout semble s’entremêler. La souffrance ajoute à la douleur la question du sens, de la liberté de l’homme et de sa condition humaine. Elle oblige à poser la question de l’intelligence face à l’absurde.
Ce séminaire de recherche est ouvert à toutes les personnes s'intéressant aux questions liées à la santé. Il se déroulera sur trois ans :
- La première année nous a permis de travailler la question existentielle et ontologique de la santé et de la souffrance, accompagnée dans des institutions.
- La deuxième année, que nous débutons maintenant, va désormais réfléchir sur l’éthique qu’engage le cri de l’homme souffrant.
- La troisième année initiera une réflexion sur l’accompagnement de l’homme qui souffre au sein des institutions soignantes
Programme :
Lundi 10 février 2025 : Des vertus pour irriguer le sens du soin.
- Jean-Rémi Lanavère, philosophe, ICP
- Corine Pelluchon, philosophe, professeure à l'université Paris-Est Gustave Eiffel, spécialiste de philosophie politique et d'éthique normative et appliquée
Accompagner l’homme qui souffre, souffrir, c’est encore déployer un agir, et donc une espérance. C’est introduire la possibilité de la promesse, du pardon et de l’espérance. À travers la philosophie arendtienne ne retrouve-t-on pas un appel à un agir éthique ancré dans les vertus, toujours pensées comme le déploiement d’une personne qui agit dans une circonstance donnée ? Pas de vertus sans sujet qui agit ? Comment retrouver une philosophie de l’action qui se déploie dans le soin et dans les institutions soignantes ?
Lundi 3 mars 2025 : Anesthésie des sens ou des sentiments ? Qu’est-ce que vivre ? Être vivant et souffrant au sein d’une institution.
- Tanguy Châtel, sociologue et co-fondateur du Cercle Vulnérabilités et Société
Passer de l’analgésie à l’algophobie n’est-il pas une perte de la relation ? Qu’est-ce qu’être vivant jusqu’à la mort ? Peut-on choisir une voie étroite permettant tout à la fois de soulager et d’accompagner tout en entretenant la relation avec l’homme qui souffre ? La santé n’étant plus accessible qu’est-ce que prendre soin ? Peut-on faire le choix de la personne et de sa rencontre en offrant la possibilité d’être vivant jusqu’à son dernier ? D’être un vivant, parmi les vivants, qui accompagne un vivant jusqu’à l’abîme de la mort ?
Lundi 28 avril : Résonance du pâtir pour ouvrir à la fraternité.
- Éric Fiat, professeur de philosophie à l'Université Paris-est, responsable d'un master d'éthique médicale et hospitalière appliquée
- Marie- Caroline Arretto, juriste et directrice du Master Affaires Publiques de de la FASSED à l’ICP
Si la philosophie de l’action ouvre à la promesse, au pardon et à l’espérance, l’ancrage commun dans la chair ouvre véritablement à la fraternité. La condition humaine, universellement partagée, passe par l’expérience du pâtir. C’est parce que le pâtir est commun que nous pouvons fonder la fraternité, non pas sur une idéalité, mais bien sur l’expérience humaine qui reste universelle. Aussi, tout vécu charnel ouvre à l’expérience partageable parce que commune : éprouver et être éprouvé. La fraternité ouvre alors à la rencontre, dans l’institution, certes, mais jusqu’à la polis/ la cité.
Informations pratiques :
- Ouvert à tous, sur inscription obligatoire
- Evénement en présentiel et distanciel
- Plus d’informations : ecoledesante@icp.fr