Librement adapté de la tuerie antiféministe de Polytechnique à Montréal du 6 décembre 1989

Seules face à lui raconte l’histoire d’un attentat commis par un homme qu’on qualifierait aujourd’hui de masculiniste ou Incel (involuntary celibate – célibataire involontaire). Mais nous sommes en 1989 et le terme n’est inventé qu’en 1993. Ce sont aussi les histoires des victimes de la tuerie qu’il commettra, celles et ceux qui survivront, celles qui mourront sous ses balles. C’est un travail dense de documentation sur le concept de tuerie de masse et les dommages psychologiques engendrés par de tels actes.

J’ai décidé de m’intéresser principalement à la tuerie antiféministe de Polytechnique de Montréal du 6 Décembre 1989. Le tueur est entré armé dans l’école, a fait sortir les hommes d’une classe (une cinquantaine) et a tiré sur la dizaine de femmes présentes, avant de se suicider. Les hommes sont sortis, les femmes sont mortes.

 

Comment représenter un attentat d’une violence inouï et créer le juste rapport entre les acteurs et le public? Pour tenter de répondre à cette question, j’ai fait deux choix principaux: le premier est celui de ne pas montrer d’arme ou de sang. Je laisse le texte exister dans toute sa violence afin que le spectateur.trice puisse imaginer cette arme, ce sang. En contradiction avec les images violentes auxquelles nous sommes constamment confrontés dans les médias où à travers les fictions audiovisuelles. Le second choix est d’investir un plateau nu où il n’y a pas d’issues face au tueur. Le personnage est une cible mouvante. Jouer avec la lumière pour rendre cet espace vide encore plus grand, plus dangereux.

 

Seules face à lui nous plonge aux confins des questionnements suscités par l’acte horrifique de la tuerie de masse et des violences faites aux femmes. Comment supporter de telles violences? Comment nos tragédies agissent-elles sur nous? Comment lutter contre ce sentiment d’extrême impuissance? Quelles sont nos tragédies contemporaines? Des événements percutent le temps, puis nous les oublions. Plus que jamais dans ma vie artistique j’ai envie et besoin que l’on se souvienne de ce drame, qu’on le connaisse.

 

Claire bosse-Platière